Suivre un parcours de transition professionnelle est loin d’être évident pour tous. En vous interrogeant sur ce que vous êtes prêt à perdre pour y arriver, vous pouvez lever de nombreux freins à la réalisation de votre projet professionnel.
Définir votre perte acceptable, une invitation à démarrer petit… pour mieux avancer
Définir sa perte acceptable, c’est se fixer des limites et c’est la meilleure manière de contrôler les risques… et de sécuriser un projet. C’est l’un des 5 principes de l’effectuation, une approche développée par l’universitaire américaine Saras Sarasvathy au début des années 2000, pour décrire le mode d’action des entrepreneurs. Avec le principe de perte acceptable, ce que j’accepte de perdre est petit et défini. Cette approche est particulièrement adaptée pour les situations d’incertitude. C’est pourquoi, les personnes en réflexion sur la suite de leur parcours professionnel peuvent s’en inspirer pour se mettre en mouvement.
Quels moyens d’action ai-je à disposition pour améliorer maintenant ma vie professionnelle ? Au pire, qu’est-ce que je peux me permettre de perdre ?
Quand je définis ce que j’accepte de perdre avant de me lancer, je peux avancer, même si je ne sais pas ce que je gagne. C’est une invitation à démarrer petit et à prendre des risques mesurés, loin des injonctions à absolument sortir de sa zone de confort, je cherche à dégager des zones de permission dans lesquelles agir.
Viser de petites actions, peu risquées.
- Pour Antoine, c’est se donner 6 mois pour tester son idée de création d’entreprise, quoi qu’il arrive au bout de six mois, prendre une décision et si ça ne prend pas, rechercher un nouveau travail.
- Pour Chloé, il s’agissait tout simplement de prendre 4 heures, pour rencontrer 3 nouvelles personnes chaque semaine.
Avant même de lancer leur projet, Antoine et Chloé ont évalué ce qu’ils acceptaient d’y consacrer. Antoine a évalué sa perte de revenus à X milliers d’euros. Chloé, à une échelle différente, a évalué le temps qu’elle acceptait de consacrer à son expérimentation en heures. Ils ont chacun estimé que cette perte était acceptable pour eux, au regard de leur propre situation personnelle, financière….
On peut attendre longtemps et ne jamais bouger. Faire pas à pas, pour avancer.
Comme quand on va à l’eau et sentir quand la bonne vague arrive. Ne pas rester figé sur la plage à attendre. Y aller. Et voir une fois sur place. S’ouvrir aux signes qui se présentent.
Côté pro, ça ne me pèse plus du tout comme ça me pesait.
Florence
On peut agir en perte acceptable sans attendre un retour précis
Quand on est en transition-exploration pour sa vie professionnelle, il est parfois plus facile de d’estimer ce qu’on risque que ce qu’on peut gagner. Agir en perte acceptable, c’est se créer les conditions pour avancer et peut-être faire émerger des résultats inattendus !
Reprenons l’exemple de Chloé : Ses rencontres lui ont permis d’élargir son réseau … et lui ont inspiré un article dont le succès sur Linkedin, lui a donné confiance pour aller un pas plus loin dans son projet d’expérimenter le métier de rédactrice web. Chloé n’a pas eu besoin de savoir précisément quoi attendre pour passer à l’action.
Vous avez une idée en tête depuis quelques temps ? Voici 3 axes d’une boussole effectuale pour définir votre perte acceptable :
- Axe financier : Combien d’argent êtes-vous prêt à investir dans votre expérimentation ou projet de mobilité professionnelle ? 10 euros ? 50 ? … 5000 ?
- Axe temps : Combien de temps souhaitez-vous consacrer pour le démarrage de votre projet ? 2h par semaine ? 15 jours ? 1/5 de votre temps de travail salarié ? 6 mois ?
- Axe psychologique et social : Après combien de temps sera-t-il difficile pour vous de justifier votre aventure professionnelle sans perte de réputation ?
La perte acceptable, pour définir ce qui est possible maintenant
Allons maintenant à la rencontre de Fatou, rencontrée un jour où j’intervenais dans son lycée pour animer un atelier sur l’entrepreneuriat, Fatou a parlé de son projet à sa classe. Fatou voulait ouvrir une boutique de glaces. Un objectif lointain, quand on a 17 ans. La classe se répartit en équipes, avec l’objectif de challenger le projet de Fatou, et l’aider ainsi à le mettre en œuvre. Les échanges vont bon train entre les élèves de la classe, devenus des coachs pour Fatou qui alterne entre réponse du tac-au-tac et réflexion…
– Fatou, ton projet est bien. Quelle est ta première étape ? Par quoi tu commences ?
– Je vais voir la banque et lui demande de me prêter de l’argent.
– Fatou, c’est pas gagné…
[… 10 minutes à débattre sur l’opportunité d’aller voir un banquier pour obtenir un prêt….]
L’un des élèves de la classe sort un billet de sa poche et lui dit :
– Fatou, voilà 10 euros. Demain, tu vends des glaces. Comment tu t’y prends ?
Fatou :
– Ah ! je vais acheter de quoi faire des glaces et je les vends en bas de chez moi !
Avec 10 euros comme mise de départ, Fatou va apprendre. Beaucoup apprendre. Apprendre sur son idée (les glaces, ça fond), sur son marché (les gens demandent des bâtonnets quand on propose des bacs), et apprendre sur le reste : on peut commencer tout petit, sans prendre trop de risques, et se donner la possibilité d’ajuster son projet en cours de route.
C’est avancer pour apprendre.
10 euros, un peu de temps et d’énergie, c’est une perte acceptable ? Oui, quand on a un projet. Et cela permet de franchir des étapes franchissables.
La perte acceptable permet de dépasser le biais de négativité
Si nous sommes nombreux à nous accommoder d’un emploi sans intérêt pendant de longues périodes, c’est parce que notre cerveau peine à évaluer les bénéfices d’un départ.
Dans son livre co-écrit avec James Teboul, Neuroleadership. Le cerveau face à la décision et au changement, Philippe Damier, professeur de neurologie au CHU de Nantes décrypte certains de nos fonctionnements face au changement et en particulier le biais de négativité. Pour le cerveau humain, si le message n’est pas totalement bon, alors il est négatif. Nous avons besoin de certitude et préférons souvent rechercher le statu-quo plutôt que le changement.
En quoi définir sa perte acceptable peut aider à dépasser le biais de négativité ?
La perte acceptable consiste à limiter les pertes potentielles d’une action ou d’un projet. L’histoire de l’entrepreneuriat a fait la part belle aux génies visionnaires, amateurs de risques (Steve Jobs, Elon Musk…). Dans les années 90, Saras Sarasvathy a étudié les comportements d’entrepreneurs et a identifié que – hormis quelques mythes qui relèvent davantage du visionnaire -, les entrepreneurs cherchent à contrôler le risque. Elle a ainsi mis en évidence le principe de la perte acceptable.
Agir en perte acceptable, permet de dépasser notre biais de négativité : je définis le niveau de risque acceptable pour mettre en oeuvre mon projet et je me dis : Qu’est-ce que cela permet ?
La personne qui porte un projet quel qu’il soit (de transition professionnelle, de recherche d’emploi, de création d’entreprise, de slashing…) est une personne entrepreneure. Agir en perte acceptable signifie qu’on cherche à contrôler le risque, pour passer à l’action.
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De la perte acceptable à la perte joyeuse, celle qui permet de construire une vie professionnelle porteuse de sens, il n’y a qu’un pas. Et vous, quelle est votre perte acceptable ?
Défi
Lancez-vous en perte acceptable ! Au pire, ça avance !
Vous n’arrivez pas à avancer dans votre projet de reconversion professionnelle ? Changez votre logique et laissez tomber l’injonction de « qu’est-ce que j’ai à gagner ? ». Demandez-vous plutôt « Qu’est-ce que j’accepte de perdre pour me mettre en mouvement ? ». Quels erreurs / échecs je m’autorise pour apprendre à agir sans certitude mais progressivement et développer un sentiment d’efficacité personnelle ?
Et pourquoi pas, autorisez-vous 3 refus ou 3 échecs. Votre zone de perte acceptable est une magnifique zone d’explorations.
C’est peut-être le moment d’essayer ce que vous ne vous êtes pas encore autorisé. Ce qui empêche de passer à l’action est souvent lié à la peur de l’échec. Formalisez votre perte acceptable pour passer à l’action !